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« Le bonheur est une habitude, celle d'être heureux. »

mardi 29 juin 2010

Notice biographique.


Prolégomènes.
Né en 1874 d'un baron bibliophile et d'une mère demi-mondaine, Jean de Tinan passa la plus grande partie de son enfance auprès de sa grand-mère, à qui il fut confié très jeune. Enfant unique, il retournera au domicile parental après son baccalauréat. (Il s'appliquera par la suite à maintenir le plus de distance possible entre ses parents et lui, et ce jusqu'au seuil de la mort.) L'année 1893 représente pour lui une période de grandes découvertes littéraires et artistiques. Dans une époque de bouillonnement culturel, le jeune homme lit Maeterlinck, Régnier, mais surtout Maurice Barrès et André Gide. Il connaîtra également, lors de l'été 1893, un flirt qui sera source d'inspiration pour son premier ouvrage publié : Un document sur l'impuissance d'aimer

Première crise.
C'est justement à cette époque qu'il fait la connaissance d'Edith, amour malheureux qui fut le modèle de la Flossie dans Penses-tu réussir ! La crise sentimentale qui en résulta s'étendit, et Tinan, tout en raillant sa sentimentalité d'adolescent, en gardera une singulière nostalgie. En 1894, le jeune homme fait la rencontre d'André Lebey et de Pierre Louÿs chez l'éditeur Bailly - ils deviendront ses plus proches amis. Il se fait une place, peu à peu, dans les milieux littéraires. Arrive l'été 1894, où il est reçu premier au concours de l'Ecole d'agriculture et doit s'installer à Montpellier. Cependant, il est hospitalisé, gravement malade, trois mois plus tard : il apprend, en effet, qu'Edith vient de se marier ... Durant son hospitalisation, il se consacre beaucoup à la lecture, et découvre pleinement Stendhal, qui aura , peut-être plus encore que Barrès, une grande influence sur lui.

Vie parisienne et noctambulismes.
Et puis c'est le retour à Paris. En compagnie d'André Lebey, de Pierre Louÿs ou encore d'Henri Albert, Tinan fréquente les milieux des brasseries et des cafés-concerts. Il fraye aussi dans les salons des revues d'avant-garde : il participe au Mercure de France à partir de mars 1895 ; c'est cette année-là qu'il compose un conte néo-grec, Erythrée, en retraite à Honfleur avec Phanette, une de ces amoureuses éphémères. En 1896, il collaborera au Centaure, éphémère revue de luxe dirigée par Henri Albert et y  publiera notamment la Chronique du règne de Félix Faure. C'est une période faste, où se multiplient les conquêtes et les projets. L'été 1896 est employé à la rédaction de Maîtresse d'esthètes, pour le compte de Willy - presque au même moment paraît Penses-tu réussir !, venant compromettre l'anonymat du nègre. A partir de 1897, Jean de Tinan s'occupera également de la chronique des spectacles au Mercure de France, que l'on regroupera plus tard sous le titre de Noctambulismes.

Des inachèvements.
Dans la dernière partie de sa vie, Tinan se retrouvera assez seul : en froid avec André Lebey depuis l'affaire Dreyfus, une courte liaison avec Marie de Régnier l'éloigne de Pierre Louÿs. Dès le début de l'année 1898, il ressent une forte mélancolie, et son état de santé s'aggrave. Il publie cette année-là L'exemple de Ninon de Lenclos amoureuse, fréquente un peu le salon de Madame Bulteau, mais à l'arrivée de l'été, il doit se mettre au vert, et part à la campagne - pour des raisons de santé comme pour des raisons pécuniaires. Durant les derniers mois de sa vie, il s'emploiera à écrire Aimienne, qui demeurera inachevé - le roman sera publié en trois livraisons au Mercure de France, en 1899. Jean de Tinan, lui, meurt le 18 Novembre 1898, à vingt-quatre ans.


[Informations tirée de :  
* Guy Ducrey, Notice biographique dans Romans fin de siècle, "Bouquins", 1999.
* Jean-Paul Goujon, Jean de Tinan, Plon, 1991.]

mardi 22 juin 2010

Comme pour une mort aristocratique et regrettable.


 Nez français, bouche française, yeux français
Parents nés en Sologne ou dans l'Angoumois gris et frais ...
C'est le jeune homme au destin ironique et amer
Qu'on aura vu toujours en veston bain de mer,
Et que la vie de Paris fatigua. - Il avait
L'espoir gamin, comme en témoigne ce portrait
Aux cheveux drus ... et cependant voyez
Comme les mains, dans leur geste le plus aisé,
Le démentent par leur raideur grave, - poussées
Trop longues, et naturellement croisées
Comme pour une mort aristocratique et regrettable.

Henry Bataille, Têtes et pensées, 1901.

~ * ~ 

Jean le Barbier de Tinan est l'un des petits oubliés de l'histoire littéraire. Il a pourtant participé activement à la vie littéraire de son temps, collaborant aux revues, publiant essais, articles et romans le temps de sa courte carrière - de quoi éditer en deux volumes ses œuvres complètes. Il meurt en 1898, à vingt-quatre ans. On publie de lui un dernier roman, laissé inachevé : Aimienne. Puis les années vingt voient fleurir des récits de souvenirs, de ceux qui l'ont côtoyé. Et puis, c'est le silence presque total. Il faudra attendre les années quatre-vingt pour que se publie de nouveau du Jean de Tinan. Aujourd'hui encore, il est méconnu.  Point de page consacrée, quelques mentions ça et là. Alors je me propose, modestement, en m'appuyant sur ce qui fut fait, de  réparer cette lacune, et de lui donner une petite place dans la vaste bibliothèque d'Internet.

Jean de Tinan est devenu un mythe un peu lointain : celui de l'enfant terrible, du jeune homme fauché en pleine jeunesse - comme un autre artiste maudit, un de ces nombreux génies disparus. J'aimerais tenter de voir ce qu'il en est, de recenser les subjectivités, de les confronter aux textes qu'on a conservés. Je recenserai les écrits et les pages qui lui ont été consacrés, proposerai à la lecture quelques textes, et plus simplement encore, j'en parlerai, avec mes maladresses et mes questionnements. Une réflexion est une construction perpétuelle, et il m'a semblé que le média "blog" était mieux adapté à des investigations en cours, une pensée en train de se faire qu'un site, moins malléable. 
Études en devenir, donc.